Charente-Maritime : armée et Éducation nationale, un mariage contesté
En 2022, 26 000 jeunes ont été recrutés selon le ministère des Armées. © Crédit photo : Illustration Marie-Laure Gobin
Sud Ouest Par Marine Allain Publié le 14/10/2024 à 12h00.
Des syndicats d’enseignants et associations du département s’indignent de la tenue d’un forum sur la défense au lycée Léonce-Vieljeux de La Rochelle. Cette contestation s’inscrit dans un débat plus global sur la place de l’armée au sein des établissements scolaires
En milieu de semaine dernière, plusieurs organisations telles que la délégation régionale de la Ligue des droits de l’Homme, la Libre Pensée 17 et de nombreux syndicats d’enseignants ont publié un communiqué : « L’armée hors du lycée Vieljeux ». En cause, un « forum des forces de défense et de sécurité » qui doit se tenir ce jeudi 17 octobre dans ce lycée de La Rochelle.
Elles dénoncent ce forum comme faisant partie d’une série de « politiques d’embrigadement de la jeunesse et de militarisation des esprits ». Au même titre, elles incluent également le Service national universel promu par les derniers gouvernements, ainsi que les « classes engagées ».
« Ce sont des enfants »
Au programme de ce forum : la présentation des trois armées (terre, mer, air), de la gendarmerie, de la police, des douanes et de la multitude de métiers que l’on retrouve dans chacun de ces secteurs. Les professionnels seront installés dans la cour du lycée Vieljeux durant la journée de jeudi. Les élèves pourront aller à leur rencontre pendant les récréations, sur le temps du midi et accompagnés des professeurs durant les heures de cours.
Selon Claude Biardeau, président de la Libre Pensée 17, « l’armée se substitue de plus en plus à l’Éducation nationale ».
Photo d’illustration / Pascal COUILLAUD
« En tant que mère, je serais inquiète que l’on propose ça à mon enfant » s’est insurgée une professeure syndicaliste du département, mandatée par le syndicat signataire du communiqué SUD 17. « Notre vision de l’école est émancipatrice, on veut apprendre aux élèves à vivre collectivement en paix, a-t-elle revendiqué. Le lycée ne doit pas être un vivier pour l’armée, ce sont des enfants ! »
Promouvoir les métiers de la défense
De son côté, le Cirfa (Centre d’information et de recrutement des forces armées) de La Rochelle, qui chapeaute le forum, se défend de tout « prosélytisme » pour ce premier forum au lycée Vieljeux. Cependant, le chef du Cirfa admet vouloir « promouvoir les métiers de la défense et de la sécurité » auprès des jeunes.
« Si ça avait été un forum des métiers du soin, personne n’aurait rien dit »
« Chaque année, ce sont environ 24 000 postes à pourvoir pour les trois armées, justifie-t-il. On est simplement là pour montrer des possibilités pour les jeunes. » L’autorisation de ce type d’intervention dans les écoles revient de toute façon à l’académie de Poitiers. Il concède toutefois : « Notre priorité, c’est le recrutement. »
Les Cirfa sont chargés de recruter pour les forces armées dans toute la France.
Illustration Pascal Bats
L’AARPE, qui représente les parents d’élèves du lycée, n’y voit pas de problème. « Si ça avait été un forum des métiers du soin, personne n’aurait rien dit, pointe Sylvie Cormouls-Houles, vice-présidente de l’association. Il est important de présenter aux jeunes des perspectives d’orientation. » À ce jour, l’AARPE n’a reçu aucune plainte de la part des parents d’élèves du lycée. Ce dernier n’a pas réagi pour le moment.
Les classes défense
« On s’alarme toujours de l’entrée de l’armée dans les établissements scolaires », réagit un autre professeur syndiqué (SNES-FSU) du collège Pierre-Mendès-France, à La Rochelle. Dans son établissement, la première « classe défense » du département de la Charente-Maritime a été mise en place en 2017. On en compte huit aujourd’hui, ce que dénonce également le communiqué cité précédemment.
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Cette option propose aux élèves de découvrir les métiers de la défense (et de la gendarmerie) à travers des interventions de professionnels ou des sorties scolaires, chaque semaine. Entre 10 et 15 élèves y participent chaque année dans ce collège, sur la base du volontariat. « L’armée n’a pas sa place à l’école », juge le professeur, qui s’était fermement opposé à cette option, avec d’autres collègues, lors de sa mise en pla
romouvoir « les valeurs de la République »
Dans d’autres établissements par contre, « l’option » défense n’en est pas une. Au collège Jean-Monnet de Courçon, les élèves ne sont pas sélectionnés sur la base du volontariat. « L’option » est assignée à l’une des classes de quatrième et les élèves doivent participer aux vingt à trente heures de cours par an. Le partenariat entre le collège et le groupement de gendarmerie départemental a d’ailleurs été renouvelé mardi 8 octobre pour une seconde année.
Mardi 8 octobre 2024, une « convention partenariale » a été signée par le lycée, l’académie, la préfecture et le groupement de gendarmerie. M. A.
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« On voulait que les élèves puissent baigner dans cet apprentissage du citoyen […] à un âge où l’on se cherche, a justifié Stéphane Lemire, le principal. Par ce biais, nous souhaitons sensibiliser les élèves aux valeurs de la République. » La professeure principale de cette « classe défense » voit d’un bon œil que « le programme d’éducation morale et civique puisse être incarné de manière concrète » par des professionnels de la Défense. Le professeur du collège Pierre-Mendès-France y voit plutôt « un danger pour l’esprit critique des élèves ». Le collège dit n’avoir reçu aucune plainte de la part des élèves ou de leurs parents.